Wednesday, November 24, 2004

Quarante millions de personnes vivent avec le virus du sida
Le rapport 2004 de l'Onusida fait état d'une nouvelle progression de l'épidémie, évalue à plus de 3 millions le nombre de morts cette année et à près de 5 millions le chiffre des nouvelles contaminations. Les femmes, en particulier en Afrique, sont devenues les premières victimes.
A quand une bonne nouvelle, serait-on tenté de demander à la lecture du rapport faisant "le point sur l'épidémie de sida" rendu public, mardi 23 novembre, par le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) ? "Le nombre total de personnes vivant avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) a grimpé en 2004 pour atteindre le plus haut niveau jamais enregistré : on estime que 39,4 millions de personnes" vivent avec le virus, peut-on lire dans le rapport. On y apprend également que 4,9 millions de personnes ont contracté le virus en 2004 et que l'épidémie a tué 3,1 millions de personnes au cours de l'année qui se termine.

Le rapport pour l'année 2004 met l'accent sur une tendance qui se dessine depuis quelques années : les femmes sont de plus en plus touchées par la pandémie. "A l'échelle mondiale, un peu moins de la moitié de toutes les personnes vivant avec le VIH sont de sexe féminin", lit-on dans le rapport.

Cette proportion diffère selon les régions. C'est dans celles où les rapports hétérosexuels sont un mode dominant de transmission du VIH, comme en Afrique subsaharienne et aux Caraïbes, que le sida touche le plus gravement les femmes. Selon le rapport, "les femmes et les filles représentent près de 57 % de toutes les personnes infectées par le VIH en Afrique subsaharienne, où un pourcentage saisissant - 76 % - des jeunes (entre 15 et 24 ans) qui vivent avec le VIH sont de sexe féminin". Dans cette région, le risque pour une jeune femme de 15 à 24 ans d'être infectée est trois fois plus élevé que pour un jeune homme du même âge.

Dans la Fédération de Russie, la proportion de femmes parmi les personnes porteuses du VIH est passée de 24 % en 2001 à 38 % en 2003. L'ignorance explique en partie ces chiffres. "Jusqu'à 50 % des jeunes femmes des pays à forte prévalence ne possèdent pas les connaissances de base concernant le sida", rapporte une récente enquête de l'Unicef. "La vulnérabilité des femmes et des filles à l'infection au VIH n'est pas seulement due à l'ignorance, mais aussi à leur manque chronique de pouvoir", dénonce l'Onusida, qui ajoute : "Dans le monde, la plupart des femmes contractent l'infection à VIH en raison de comportements à haut risque de leur partenaire, sur lequel elles n'ont pratiquement aucun contrôle." En effet, "choisir de s'abstenir de rapports sexuels ou de se protéger n'est pas une option pour les millions de femmes, de par le monde, qui subissent le viol et les violences sexuelles", affirme l'agence des Nations unies.

De la féminisation croissante de la pandémie découlent des conclusions stratégiques : "Il est essentiel de réduire les taux d'infection chez les femmes et les filles si l'on veut maîtriser le sida." S'ils ne peuvent, loin s'en faut, tout résoudre, les microbicides (sous forme de gels, de crèmes, de suppositoires et d'anneaux vaginaux) "offrent la promesse d'un outil de prévention que les femmes pourraient contrôler", indique l'Onusida.

Le rapport analyse la situation de la pandémie dans le monde. Dans toutes les régions, le nombre de personnes vivant avec le VIH s'est élevé par rapport à 2002. Les augmentations les plus fortes se sont produites en Asie de l'Est (+ 50 %), en Europe orientale et en Asie centrale (+ 40 %).

Dans le premier cas, "l'augmentation est imputable en grande partie à l'épidémie qui s'étend rapidement en Chine". Dans le second, "une bonne partie de cette tendance est due à la réapparition de l'épidémie en Ukraine et au nombre toujours croissant de personnes vivant avec le VIH en Fédération de Russie" (860 000 séropositifs, dont au moins 80 % âgés de 15 à 29 ans à la fin 2003), selon le rapport.

La région la plus touchée "reste de loin" l'Afrique subsaharienne, avec 25,4 millions de séropositifs, soit un million de plus qu'en 2002. "Près des deux tiers (64 %) de toutes les personnes vivant avec le VIH se trouvent en Afrique subsaharienne, ainsi que plus des trois quarts (76 %) de toutes les femmes vivant avec le VIH." A première vue, la prévalence du VIH en Afrique subsaharienne s'est stabilisée autour de 7,4 % de la population.

Mais l'Onusida multiplie les mises en garde : "Sous la constance apparente de ces niveaux de prévalence stables se cachent des réalités dévastatrices, en particulier en Afrique australe, où se produisent un tiers de tous les décès liés au sida dans le monde." Ensuite, indique le rapport, "il n'existe pas d'épidémie "africaine" unique". Les données nationales "cachent des niveaux d'infection beaucoup plus élevés dans certaines régions, comme on le voit au Nigeria ".

Avec plus de 2 % de la population touchée, la prévalence de l'infection par le VIH dans la région caraïbe est la deuxième la plus élevée au monde, rappelle l'Onusida. Au point que "le sida est devenu la principale cause de décès parmi les adultes entre 15 et 44 ans dans cette région". En Asie, plusieurs pays comme l'Indonésie, le Népal et le Vietnam, ainsi que plusieurs provinces de la Chine, ne sont qu'"au début d'une épidémie qui se propage rapidement", indique le rapport.

Est-ce à dire que rien ne saurait endiguer la progression de la pandémie ? L'Onusida pointe le fait que "pratiquement chaque région, y compris l'Afrique subsaharienne, compte plusieurs pays dans lesquels l'épidémie se déroule encore à bas bruit ou en est encore à un stade suffisamment précoce pour être maîtrisée par une action efficace". Cela suppose des "programmes susceptibles de contenir la propagation du VIH dans les groupes les plus vulnérables de la population".

Cependant, s'inquiète l'agence onusienne, "dans de nombreux pays, des ressources inadéquates, le manque de volonté et de leadership politiques restent une entrave, en particulier là où le VIH s'est implanté dans des groupes marginalisés ou stigmatisés de la population", en l'occurrence les prostituées, les consommateurs de drogues injectables ou les homosexuels.

Depuis 2001, le financement à l'échelle mondiale de la lutte contre le sida est passé de 2,1 à 6,1 milliards de dollars. Cet effort s'est accompagné d'une amélioration de l'accès aux "services essentiels de prévention et de prise en charge". Néanmoins, l'accès à la prévention et aux traitements demeure encore un objectif loin d'être atteint. "Environ 440 000 personnes, dans les pays à faible et moyen revenus, étaient sous traitement antirétroviral en juin 2004", précise le rapport.

Ce qui signifie que "neuf personnes sur dix qui ont besoin d'un tel traitement - dont la majorité se trouvent en Afrique subsaharienne - n'en bénéficient pas". L'Onusida s'alarme. A un tel rythme, "cinq à six millions de personnes mourront du sida au cours des deux prochaines années".

Quant à la prévention, ce n'est pas mieux. "Moins de 1 % des adultes de 15 à 49 ans ont accès à des services de conseil et de test volontaires dans les 73 pays à faible et moyen revenus les plus affectés par le sida". Moins de 10 % des femmes enceintes bénéficient des services permettant d'éviter la transmission au cours de la grossesse ou de l'accouchement. Sans des stratégies vigoureuses "qui prennent également en compte les impératifs plus larges de justice sociale et d'égalité, il est improbable qu'à long terme le monde parvienne à vaincre le sida", indique le rapport. Un pessimisme que l'Onusida résume par la formule : "L'immobilisme précipite le désastre."

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